Nos parlementaires jouent avec le feu…

…Ou les tristes conséquences d’une indécision…

Chaque année en France environ huit cents personnes décèdent des suites d’un incendie domestique, et dix mille autres sont blessées. Les dramatiques incendies de l’été 2005 ont convaincu les pouvoirs publics français qu’il devenait urgent de légiférer sur les moyens de détecter de façon précoce les départs de feu dans les immeubles d’habitation.

Aux Etats Unis, comme dans de nombreux pays d’Europe, la législation a permis depuis de nombreuses années de diviser par dix le nombre de décès suite à un incendie, et de réduire de 90% le risque d’intoxication des jeunes enfants.

Voulant s’inspirer de ces exemples, les parlementaires Pierre Morange et Damien Meslot ont défendu avec ardeur un projet de Loi dont le texte, a hélas été remanié durant 5 ans afin d’aboutir à un compromis entre Députés et Sénateurs…. Quel a été le débat ?
Les Sénateurs estimaient, par souci de clarté, que la charge des détecteurs de fumées devait incomber aux propriétaires, les Députés avaient souhaité que la responsabilité incombe aux locataires.

Faute d’accord sur ce point crucial, un texte a fini par être entériné en Commission Mixte Paritaire le 13 janvier 2010. L’occupant devient donc le premier acteur responsable de sa sécurité et en assume la responsabilité et la charge. Le décret d’application est paru le 20 janvier 2011. Il sera une fois de plus très peu appliqué…

Que dit ce texte ? (Art L129-8) « L’occupant d’un logement, qu’il soit locataire ou propriétaire, installe dans celui-ci un détecteur de fumée normalisé. Il veille à l’entretien et au bon fonctionnement de ce dispositif ». En voulant à tout prix faire émerger un texte consensuel, qui ne prend pas position sur le point essentiel de la garantie collective au sein d’un immeuble, nos parlementaires ont généré une loi dépourvue d’efficacité, qui place la responsabilité au niveau individuel de…. «l’occupant»….. (Une étude menée aux USA et au Canada a démontré que 50% des détecteurs ne fonctionnent pas faute de vigilance des  occupants et que l’administration américaine et les associations de pompiers en sont  rendues à des spots publicitaires de rappels au passage d’heure d’hiver « Change your  clock, change your batteries » « Change d’heure – Change tes piles ») Ce risque est quasi  inexistant au Royaume Uni du fait que l’obligation d’installation et d’entretien incombe au propriétaire du logement. « Les Parlementaires n’ont pas pour rôle de s’assurer que les Lois soient appliquées, dit l’un d’entre eux, mais simplement de les voter » !!!

Pourquoi est ce grave et inefficace ?

Le principe de fonctionnement des détecteurs de fumées est de pouvoir prévenir les occupants le plus tôt possible lors d’un départ de feu dans un logement. Les experts s’accordent à reconnaître qu’une détection dès que les premières fumées apparaissent, permet que les pompiers gagnent au moins 30 mn et arrivent sur les lieux avant que l’incendie ne se propage dans les parties communes et le reste de l’immeuble. L’installation dans tous les logements, par des professionnels et conformément aux règles de l’art, avec un bon entretien régulier sur un parc homogène de détecteurs normalisés en état permanent de fonctionner est donc essentiel pour que le dispositif concoure à la  sécurité collective de l’immeuble. Chacun comprend dès lors, qu’il s’agit d’un sujet collectif de copropriété, et que la moindre faille résultant de la négligence individuelle d’un  occupant peut avoir des conséquences dramatiques.

Comment réagiront les compagnies d’assurances souscrites par la copropriété pour assurer les parties communes, lorsqu’un incendie, démarré dans un appartement se sera propagé aux parties communes faute d’avoir pu être détecté à temps parce que l’occupant n’aura pas installé de détecteur, ou n’aura pas remplacé la pile du détecteur installé par le  précédent « occupant locataire » ? Quels débats devant la justice ne manqueront pas de soulever les familles des victimes, suite à de telles et inévitables négligences ?

Un dispositif qui est censé concourir à la sécurité collective doit être géré par la collectivité, en l’occurrence la copropriété dont le mandataire est le syndic. Celui-ci simplifiera  grandement la vie de ses clients copropriétaires s’il a la sagesse de superviser l’installation et l’entretien de ce dispositif d’intérêt général et de sécurité collective. La mise en place par la copropriété d’un contrat permettant de garantir que chaque jour de l’année le dispositif est opérationnel est une simple mesure de bon sens, qui dépasse la question de savoir comment la charge financière de ce service sera ensuite répercutée par les propriétaires à leurs locataires éventuels. C’est de ce bon sens que nos législateurs ont manqué, et qui les a conduit à préférer un compromis très éloigné des réalités plutôt qu’une loi efficace tenant compte de l’avis des experts.

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