INFOGRAPHIE – À la mi-novembre, les températures au-dessus du pôle Nord ont dépassé les moyennes de 20 °C, un record très inhabituel.

La saison avait plutôt bien démarré pour la formation de la banquise. Tout l’été, le mercure avait oscillé autour de 0 °C. À la mi-septembre, alors que l’Arctique se tournait vers l’hiver, les températures ont doucement amorcé leur descente dans le négatif. Début octobre, la glace de mer commençait à se reconstituer.

Et puis tout s’est emballé, dans le mauvais sens. Au point d’avoir des températures de 20°C supérieures à la normale d’avoir relevées par l’organisation météorologique danoise.

«En cette saison, le thermomètre devrait descendre assez rapidement à – 25 °C ou – 30 °C, or, il y a deux semaines, le 16 novembre pour être précis, il indiquait – 4 °C », raconte Matthieu Chevallier, climatologue au centre de recherche de Météo-France, spécialiste de l’océan et de la glace de mer.

«C’est un record remarquable. Il peut être lié aussi à l’aléa de la météo, mais c’est le type de choses auxquelles on s’attend de toute façon dans un climat qui se réchauffe », raconte à l’AFP la climatologue Valérie Masson-Delmotte.

Si l’été avait été relativement classique en matière de températures, il a néanmoins été marqué par la troisième étendue la plus faible en matière de glace de mer. «À la mi-septembre, la banquise recouvrait un peu moins de 4,7 millions de km² selon le NSIDC (centre américain de la glace et de la neige, NDLR). Une superficie qu’il faut comparer aux 7 millions de km² qui correspondent à la normale, et aux 3,6 millions de km2 de la plus petite superficie de glace jamais enregistrée en été ». C’était en 2012. Depuis le «record » du 16 novembre, l’écart s’est en partie comblé, mais en partie seulement. «Actuellement, on enregistre des températures de – 15 °C ou – 16 °C, soit encore un fossé de 10 °C par rapport à la moyenne», poursuit-il. Du jamais-vu dans ces régions polaires, surtout sur une aussi longue période.

Quant à savoir pourquoi de tels phénomènes se produisent, les chercheurs ont au moins deux explications en lien direct avec le réchauffement climatique. Le fait qu’il y ait des étés avec peu de glace est le facteur le plus important. Plus les étendues de glaces de couleur blanches sont importantes, plus la lumière du soleil est réfléchie (albédo). A contrario, plus l’eau, de couleur sombre est libre de glace, plus la chaleur du rayonnement solaire est absorbée dans l’océan.

«Quand le soleil disparaît en hiver, raconte le scientifique de Météo-France, l’océan libère petit à petit toute la chaleur emmagasinée durant l’été avant de pouvoir refaire de la glace.» Une chaleur qui a tendance à stagner au-dessus de l’océan avant de se dissiper. Or cette année, les anomalies de température de l’eau enregistrées dans la mer de Barents (au nord de la Norvège) étaient de 3 °C à 4 °C au-dessus de la normale. Plus la mer stocke cette chaleur plus elle met de temps à la re-larguer dans l’atmosphère, ce qui retarde d’autant le retour de la glace.

Le deuxième mécanisme qui permet d’expliquer ces situations anormales dans le Grand Nord correspond également à l’arrivée de masses d’air chaudes qui se faufilent au-dessus du pôle.

 

De tels phénomènes renforcent les inquiétudes des spécialistes du climat. On sait que la hausse des températures constatée dans l’Arctique est plus importante que partout ailleurs dans le monde. Ce réchauffement «spectaculaire et sans précédent entraîne une élévation du niveau de la mer qui se répercute sur les régimes météorologiques du monde entier et est susceptible d’avoir des incidences encore plus nombreuses sur le système climatique», rappelait l’OMM (Organisation de la Météorologie Mondiale) à la fin du mois de septembre. (…)

Pendant longtemps la glace résistait bien durant l’été car il s’agissait de glace pluriannuelle, moins salée et très dure. Maintenant la glace de mer est essentiellement composée d’une glace jeune, beaucoup plus fragile. «Elle a complétement changé de nature », résume le scientifique. Sans compter son épaisseur qui a diminué de près de 50 % depuis les années 1970. L’épaisseur de la glace de mer qui était en hiver d’environ 3,60 m au début des années 1980 est passée à une moyenne d’environ 1,90 m en 2008. Pour l’été, les chiffres sont respectivement de 2,70 m contre 1,50 m en 2008.

Pour la première fois cet été, un paquebot a pu traverser l’Arctique, reliant l’Alaska à New York. À ce rythme, il pourrait bien être le premier d’une longue liste.

Lefigaro.fr 25/11/16 par Marielle Court

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